Histoire: La Machine à Rêves
“Cela va être une mauvaise nuit,” a murmuré Vivienne en regardant la pluie battante.
Il y a eu un bruit sourd à la porte. Vivienne l’a ouverte en grand. Se tenait sur le porche le Gouverneur Suprême de la cité, flanqué d’une bande de sinistres gardes du corps.
“On m’a dit que tu vends des rêves,” a dit le Gouverneur, ses yeux froids reflétant les lumières néon de la rue. “J’ai besoin d’une nouvelle expérience. J’ai besoin de me sentir exalté. Cela doit être transcendantal. On m’a dit que tu peux faire ça.”
“Le prix est le même pour tout le monde,” a répondu Vivienne doucement. “Vous voulez un rêve ? Vous donnez un rêve.”
Un des gardes du corps a pointé un pistolet sur sa tête. “Tu peux faire une exception,” a-t-il grondé.
Vivienne a ignoré le pistolet. “Le rêve est pris au hasard et complètement anonymisé,” a-t-elle expliqué calmement. “Il est mathématiquement impossible d’identifier le rêveur original.”
“Détends-toi, c’est du business,” a dit le Gouverneur, poussant le pistolet du garde du corps vers le bas. “Je paierai ton prix, femme. Donne-moi juste ce que je veux.”
Les hommes ont fait irruption. Le Gouverneur s’est installé confortablement dans un fauteuil à l’ancienne qui se trouvait au milieu de l’appartement. Vivienne a attaché un câble à son front. Puis elle a choisi une carte mémoire, et l’a insérée dans la machine à rêves.
“Prêt ?” a-t-elle susurré.
“Je n’ai pas toute la nuit, chérie,” a lâché le Gouverneur.
Vivienne a appuyé sur le bouton. Un battement de paupières lent, un tremblement, et c’était terminé.
“C’était… c’était… mon Dieu…” a marmonné le Gouverneur.
Alors que le Gouverneur est retourné dans la nuit, et que ses hommes ont quitté la petite pièce, le même garde du corps s’est arrêté et a croisé le regard de Vivienne.
“Tu sais ce qui est mathématiquement impossible ?” a-t-il craché. “Ta vie – si tu parles de ça à quiconque.”
“Je n’oserais même pas y rêver,” a dit Vivienne d’un ton nonchalant, bien que sa gorge était sèche comme la poussière.
Quand les hommes ont enfin quitté les lieux, Vivienne a mis ses lunettes vidéo et a regardé le rêve qui avait été pris au Gouverneur.
Au début, elle n’était pas sûre de ce qu’elle voyait. Puis elle a arraché les lunettes de son visage et a déchiré la carte mémoire de la machine. Elle a ouvert son coffre, a jeté la carte au fond, et a claqué la porte.
Tard dans la nuit, Vivienne a été réveillée par un autre visiteur. Le masque violet de l’homme lui a indiqué immédiatement qu’il faisait partie de Meilleur Système, le groupe de hackers justiciers.
“Je sais quelque chose, et vous savez quelque chose,” a chuchoté le hacker. “Je sais que quelque part dans cet appartement, se trouve une carte mémoire contenant le rêve du Gouverneur Suprême. Vous savez laquelle c’est.”
“Supposons que ce soit vrai,” a répondu Vivienne.
“Nous savons tous ce que cette cité est devenue, à cause de lui. N’est-il pas temps que le peuple voie quel genre d’homme il est vraiment ? Ce rêve pourrait le ruiner. Il pourrait tout changer.”
Le hacker a enlevé son masque et a tendu sa main. Vivienne a examiné le visage de l’homme. Elle croyait pouvoir lui faire confiance. Mais elle se souvenait du garde du corps. Elle se souvenait du froid métal du pistolet contre sa tête.
“Cette nuit ne cesse d’empirer,” a soupiré Vivienne.