Histoire: Sous un ciel mortel
« Parle-moi du monde au-dessus », a dit Évelyne.
« C’était un endroit magnifique », a répondu sa grand-mère. « Le soleil était chaud, l’air était pur et frais. Il y avait des millions d’espèces d’animaux : certains marchaient, certains nageaient, d’autres volaient. Tout cela n’existe plus désormais. »
Depuis cette conversation, Évelyne était obstinée par l’idée de trouver un moyen pour que les humains retournent à la surface de la Terre.
La vie souterraine était lugubre. Ils vivaient dans un petit bunker en métal. Derrière sa porte se trouvait un réseau de couloirs métalliques. Il y avait quelques grands espaces où elle était allée à l’école, puis à l’université. Mais aucun couloir ne menait à l’extérieur. Même l’air ne pouvait ni entrer ni sortir sans passer par l’énorme système de filtration.
Évelyne est devenue ingénieure. Elle entretenait les filtres, et a mis au point une meilleure façon de filtrer le virus mortel. Un jour, elle a vu de ses propres yeux à quel point le virus était mortel, quand il y a eu une fuite. Le Superviseur principal a été contaminé, et il est mort presque instantanément.
Cela n’a fait que renforcer la détermination d’Évelyne. Elle a commencé à concevoir un appareil à même de nettoyer l’atmosphère. Très vite, son travail a été remarqué. Elle a été invitée à s’entretenir avec le Haut Conseiller : le dirigeant des humains vivant sous terre.
« Saviez-vous que le virus a été créé par les humains ? » a demandé le Haut Conseiller, en offrant un verre de vin à Évelyne. « Il y avait une entreprise qui se spécialisait dans la recherche génétique. Le virus était censé jouer un rôle bénéfique. Il avait été conçu pour maintenir les gens en bonne santé. »
« Qu’est-ce qui a mal tourné ? » a demandé Évelyne.
« Qui sait ? Le virus ne s’est pas attaqué aux bonnes cibles. Il devait protéger les gens contre d’autres maladies. Au lieu de cela, il est devenu la plus grande maladie qui soit. »
« Je vais le tuer. Nous ne serons plus prisonniers sous terre pendant très longtemps. »
« J’admire votre détermination, ma chère », a soupiré le Conseiller âgé. « Nous suivrons de près vos progrès. »
Évelyne a continué à travailler sur son appareil. Enfin, le prototype était prêt. Quelqu’un devait aller dehors pour l’essayer. La superviseuse d’Évelyne s’est portée volontaire.
La nuit avant le test, Évelyne n’arrivait pas à dormir. Elle ne pouvait pas laisser la superviseuse risquer sa vie. Tout ce projet était l’idée d’Évelyne. C’était à elle qu’il revenait de prendre le risque. Alors, elle s’est faufilée au dernier étage et a enfilé la combinaison de protection. Elle a pris l’ascenseur et est montée à la surface.
Évelyne a été surprise. Elle pensait qu’il faisait nuit, mais le soleil était éclatant. Elle s’est rendu compte que leurs “journées” sous terre étaient régies par le système électrique.
Évelyne a regardé autour d’elle avec émerveillement. Elle contemplait un monde couvert d’herbe, d’arbres et de fleurs. Au loin, elle a vu des bâtiments en ruines envahis par les lianes et les lichens. Elle entendait des oiseaux chanter, un son qui lui remplissait le cœur. Il a fallu un moment à Évelyne pour se rappeler que le virus avait tué tous les oiseaux. Comment cela était-il possible… ?
Lentement, les mains tremblantes, Évelyne a enlevé son casque. Puis elle a pris une grande inspiration. Si elle avait tort, mieux valait mourir rapidement. Mais elle n’a ressenti aucune douleur. L’air était doux. Le virus avait disparu.
« Maintenant, vous savez », a dit le Haut Conseiller.
Évelyne s’est retournée. Il était derrière elle, portant une combinaison de protection et tenant un pistolet.
« Conseiller ? »
« Nous étions une entreprise. Il était de notre devoir de faire des profits ! » s’est écrié le Conseiller. « Nous avons donné une mutation génétique spéciale aux personnes qui pouvaient se le permettre. Le virus ne devait protéger que les personnes qui portaient cette mutation génétique. »
« Mais le virus n’a pas fonctionné », a dit Évelyne, commençant à comprendre. « Il a tué les personnes qui portaient cette mutation. »
« Au début, il frappait de façon indistincte. Mais pour finir, il s’est reporté sur la cible initiale. Les gens comme moi. Les gens comme les autres conseillers et les superviseurs, et toutes nos familles. Les descendants de tous ceux qui avaient reçu cette mutation. »
« Le virus est toujours là », s’est rendu compte Évelyne. « Mais il n’est dangereux que pour vous ! Ça veut dire que… tous les autres peuvent sortir ? »
« Non, Évelyne », a répondu le Conseiller, d’un ton calme. « C’est justement là tout le problème. Aucun d’entre vous ne peut partir. Vous devez rester sous terre, avec nous. Personne ne peut découvrir la vérité. Et… je suis désolé, ma chère… mais personne ne la découvrira. »